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Tupac Amaru freedomnow

F R E A K S _ O U T !

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Cécilia Cardoso Rodriguez et Simon Foutaiz ne sont pas des musiciens pourtant ils ont entamé un travail de chansons engagées qui n'engagent pas que eux. Au final il s'agit plutôt d'une fable abstraite sur l'engagement que d'un recueil de chansons. À mi-chemin dans leur processus de réflexion, ils se sont auto-interviewé pour constater l'étendue des dégats...

Cécilia C-R questionne Simon F

C'est quoi pour toi le projet FREAKS OUT!?

Là j'y vois un moyen de se frotter à l'art du domptage de « monstres » au sens de figures des pensées sociales, philosophique ou de l'écopolitique. Comment se mesurer à des mastodontes intellectuelles qui composent nos influences. Mais il ne faut pas se leurrer: ce sont les monstres qui nous apprivoisent et non pas le contraire! C'est aussi une bonne façon d'échapper à notre statut de « créateurs » en se laissant librement diriger par ces figures...

Qui sont ces figures qui t'interessent et pourquoi?

Je me reconnais dans des pensées qui ont cherché à décortiquer notre société à la base: Ivan Illich, André Gorz, qui entretiennent un rapport de filiation constante et on fondé les bases de l'ecopolitique. Peut-être me parraissent-ils singulier car je les ai lus « après-coup ». Ils sont moins connus que la clique Deleuze-Derida-Bourdieu, mais ils ont formalisé une pensée qui est d'une actualité surprenante: « travailler moins pour vivre mieux » est certainement un slogan plus humain. Reste à savoir ce que l'on veut: vivre mieux ne veut pas forcémmment dire « gagner plus », malheureusement cela semble être très en vogue. Les affinités entre ces deux penseurs et le mouvement open source sont également à souligner et donnent un nouveau souffle à un mouvement qui peut être considéré comme trop 70's.
Un musicien comme Robert Wyatt qui a toujours cherché à produire une musique engagée très « politique ». Dans Nothing can't stop us il s'excuse de l'aspect perfectible de sa performance musicale, des fausses notes et de rythmes approximatifs, délibérément conservés et non pas savamment dissimulés. C'est ce mélange entre textes très engagés et une certaine honnêteté dans la réalisation musicale qui m'attire.
Orwell, son analyse du totalitarisme, son rejet du colonialisme son refus du pacifisme , et sa vie austère donnent aussi à repenser les fondations des pensées « de gauche ».

Est-ce que tu vois des affinités entre nos influences respectives?

On a tous les deux un rapport viscéral à une « pensée de gauche » mais la gauche en ce moment il faut toujours redéfinir ce que l'on entend par là: l'écologie sociale, et la finalité de l'autonomie et d'un progrès existentiel pour chacun-e au sein d'une communauté locale (et l'extension du local par les moyens de communication/mobilité contemporains), voilà ce que je ferais passer en premier. Un travail qui soit enrichissant, pas au sens financier, avec le but de nous nourrir nous même: notre rapport de dépendance face à l'alimentation et l'industrie alimentaire est consternant. Jamais l'école ne nous à appris à nous alimenter, à assurer notre subsistance. L'école nous à appris à mettre les pieds sous la table, mais pas à la remplir ni à la nettoyer. Ce qui fut un progrès à un moment donné (une alimentation pour tous) est devenu une fabrique à consommateurs. Il me semble que nous nous sommes focalisés sur tes problématiques pendant que les miennes exerçaient une sorte de magnétisme: c'est le signe d'une rencontre réussie, un travail à plusieurs en interaction.

... on échange les roles...
... Simon F questionne Cécilia C-R...

Comment présente-tu ton rapport aux mouvements de lutte révolutionnaire d'Amérique Latine et au mouvement Queer?

Il s'agit à la fois d'un rapport généalogique et d'un rapport au monde vécu. Je me demande pourquoi toutes ces luttes ont eu lieu et jusqu'où elles peuvent aller. Pourquoi est-ce si difficile de vivre avec l'Autre, ceux qui sont différents ou ceux qui ne peuvent pas nous accepter. Le mouvement Tupac Amaru et le MLNT ne sont pas des mouvements qui ont atteint leur but. Ce sont des luttes « à la vie à la mort », je suis assez fascinée par ça, mais finalement, c'est la mort des personnes ou des mouvement qui a emporté sur ceux qui ont vécu. Du coté du mouvement Queer c'est un combat de tous les jours avec nous même et les autres pour devenir celle/celui que l'on aimerait être. Dans les deux cas, ce ne sont pas des buts que l'on atteint de façon sereine. Le fait d'appartenir à plusieurs communautés différentes, avec leurs luttes internes, leurs dysfonctionnements ont plutôt tendance à faire fuir les gentes permet le croisement des influences idéologiques et la création d'une multitude de rapports à l'Autre.

À quoi pourront ressembler les luttes des générations futures?

On ne sait jamais vraiment à quoi cela ressemblera. Ce qui est sur c'est que rien n'est jamais acquis: croire le contraire c'est la meilleure façon pour que quelque chôse que l'on croyait « inaliénable » soit remise en cause. Nous devons essayer de cultiver au quotidien une infinie accumulation de gestes et de pensées qui auront fait pencher la balance vers quelque chose: ne jamais s'arrêter de penser que ce soit sur ce qui nous est intérieur ou extérieur. Dans les années 70 c'était l'apogée du mouvement féministe et il faut voir où on en est! C'est devenu quelque chose de confiné à un nombre restreint de personnes: le féminisme aujourd'hui est impopulaire.

Est-ce-que l'on doit se tourner vers des idées qui s'adressent au plus grand nombre ou bien avancer le plus possible dans notre domaine spécialisé?

Il faut constamment faire une gymnastique entre les deux. Ça peut être très profitable de rester souple et de cultiver une contradiction (ce n'est pas forcément négatif). Ce sont deux choses différentes, l'un n'empêche pas forcément l'autre. C'est pour cela qu'il est utile d'être présent dans plus communautés.

Comment perçois-tu cette volonté de vouloir s'adresser « au plus grand nombre »?

La théorie Queer n'étant que UN des post-féminismes, ça prend une certaine ampleur, même si ce n'est le fait que d'une poignée de personnes, il y a une sorte d'effervescence dans le milieu non-mixte depuis quelques années en France (depuis la traduction de Trouble dans le genre de Judith Butler, qui a provoqué une ouverture un peu partout, que ce soit dans les milieux bourgeois ou la gauche. Des petites choses qui ne tiennent qu'à quelques personnes mais qui prennent une grande ampleur... Ça redonne espoir!

Pour en revenir à FREAKS OUT!, peut-on considérer que c'est une réussite de « dilution » d'idéologies spécialisées dans le « monde réel »?

J'aimerais que ça reste (malgré cette discussion plombante!) dans une manière de plaisir, une manière légère et joyeuse de se confronter à des questionnements existentiels assez lourds. Dilution me semble péjoratif, sous-tend une diminution, une atténuation, ce que l'on veut c'est vivre des expériences concrètes.

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